Innovation publique partout
Le « mois de l'innovation publique » prend fin et c'est bientôt l'hiver. Parmi les 400 événements (!) recensés par la Direction interministérielle de la transformation publique, un colloque, organisé par la Chaire commune à l'INSP, l'ENSCI-Les Ateliers, Polytechnique et Sciences Po, proposait de se demander « Où en est l'innovation publique ? »
La question vient à point nommé : 10 ans après ses premiers pas au sein de l'État (les collectivités avaient pris un peu d'avance), « l'innovation » semble à la fois partout et… nulle part.
« Innovation partout », d'abord. Aujourd’hui, ce qui n'est pas labellisé « innovant » a peu de chance de survivre longtemps à l'impitoyable jury politico-administratif. Pourtant, continuer à prendre soin, animer, contrôler ou aménager a une valeur en soi. Forcer le changement, partout, tout le temps, abîme ce qui marche, laisse de côté les enjeux de maintenance des organisations et dispositifs publics, épuise les femmes et les hommes. Une partie de l'aversion de certains agents publics à l'innovation vient sans aucun doute de là, d’autant que seuls certains privilégiés de l’action publique ont le droit et les moyens d’être innovants. À cet égard, les projets que nous avons menés en 2022 avec CY Cergy Paris Université ou la Ville de Marseille, avec comme condition d’intégrer massivement les agents à la démarche, ouvrent de nouvelles perspectives.
« Innovation nulle part », ensuite. Après une année 2022 bien trop chaude, le froid s’installe et les défis que nous avons à relever sont immenses. Les nécessaires économies d'énergie pour passer l'hiver puis pour ancrer notre indépendance vis-à-vis du gaz russe et des fossiles en général. La lutte contre les inégalités sociales, économiques et territoriales qui n'en finissent pas de miner le pacte républicain et la vie de millions de nos concitoyen·ne·s. La préparation et l'accompagnement de la grande métamorphose de notre appareil productif et de notre architecture de solidarités : les bouleversements climatiques, démographiques, culturels, géopolitiques qui sont déjà là forcent une réinvention des politiques publiques.
Aujourd'hui, des agents publics, partout, font de leur mieux pour faire face à ces défis en comblant l'écart qui existe entre politiques publiques prescrites et besoins réels. Iels fatiguent.
Les approches et outils de l'innovation publique, de la relation citoyenne aux startups d'État en passant par les sciences comportementales, les labs et le design dans sa diversité, pourraient s'articuler dans un continuum pertinent et efficace avec les approches plus traditionnelles de l'administration pour aider à relever ces défis dans un cadre démocratique.
Mais pour cela, une gouvernance adéquate est nécessaire. La proposition « d’orchestrateur des soutenabilités », promue par France stratégie au printemps dernier, mérite d'être instruite, des plus petites collectivités jusqu’au sommet de l’État.
Aux origines de l'innovation publique se trouve une dimension critique et politique assumée : on ne fait pas du nouveau pour faire du nouveau, mais on interroge l'action publique dans ses ambitions, et dans l'écart entre ses ambitions et ses réalisations. L'appel à « politiser » l'innovation publique, à renouer avec des finalités plutôt qu'avec des méthodes, a d'ailleurs traversé le colloque de la Chaire innovation publique. À notre échelle, nous avons, en 2022, explicité nos ambitions et esquissé des directions.
À celles et ceux qui en ont envie : notre porte à Césure est grande ouverte, parlons-en en 2023 !
On a vraiment vraiment aimé
_ Les petits exercices d’observation compilés par Nicolas Nova, pour se mettre dans les pas des designers, des anthropologues ou des écrivains. Ces exercices concrets inspirés des façons de faire des plus grands, édités par les éditions Premier Parallèle dans un petit format à toujours avoir sur soi, seront utiles à quiconque aime observer, saisir et explorer le quotidien (et on adore vraiment vraiment ça). Une ode à l’« infra-ordinaire » de Georges Perec.
« Ce qu’il s’agit d’interroger, c’est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes. Interroger ce qui semble avoir cessé à jamais de nous étonner. Nous vivons, certes, nous respirons, certes ; nous marchons, nous ouvrons des portes, nous descendons des escaliers, nous nous asseyons à une table pour manger, nous nous couchons dans un lit pour dormir. Comment ? Où ? Quand ? Pourquoi ? »
— Georges Perec, L’Infraordinaire, Seuil, 1989
_ Cet entretien croisé dans lequel plusieurs designers répondent aux questions de la revue Horizons publics sur un sujet fondateur du design des politiques publiques, qui reste d’une grande actualité : l’accueil dans les services publics. Il y est notamment question de relation aux usagers – dématérialisation, accessibilité, lisibilité, hospitalité, etc. – et de la place des agents, sujets ô combien fondamentaux.
_ Parcourir les projets lauréats du European Prize for Urban Public Space, un concours biennal organisé « dans le but de reconnaître et de faire connaître toutes sortes de travaux visant à créer, valoriser et améliorer les espaces publics des villes européennes ». Coup de cœur pour le projet gagnant, porté par OKRA Landschapsarchitecten, qui a permis à la ville d’Utrecht (Pays-Bas) de métamorphoser l’un de ses axes principaux de circulation – Catharijnesingel – en supprimant une autoroute urbaine qui masquait… un canal. Le résultat : un nouvel espace public particulièrement vert et harmonieux, accessible aux cyclistes et aux piétons. Stupéfiant !
_ L’épisode des Pieds sur terre (France Culture) consacré à la lutte contre les « décrocheurs » de la Sécurité sociale via le dispositif PFIDASS (!), à Dunkerque, dans lequel on entend notamment Raymonde, 70 ans, parler de l’essence du service public :
« Une personne qui vous écoute, c’est toute l’humanité qui vous écoute. Le 'Bonjour' de ma référente, son 'Au revoir', son sourire, c’est un peu d’humanité qui entre dans ma vie. J’étais morte pour la société, et maintenant, je revis. »
_ Le blog ouvert par Manu Bodinier pour partager le contenu et les chemins du séminaire « Justice sociale et inégalités environnementales » qu’il anime à l’IEP de Grenoble depuis septembre 2022. De la matière passionnante et un « capot ouvert » sur une démarche pédagogique originale.
On l’a vraiment vraiment fait
Concevoir la boussole de la rénovation énergétique des logements, un outil d’aide à la décision pour mieux piloter la politique publique à tous les échelons territoriaux.
La lutte contre les passoires thermiques est la principale cible des politiques publiques de rénovation énergétique. Mais comment s’assurer que les dispositifs réglementaires et les aides financières pour lutter contre ces passoires thermiques atteignent leurs cibles ?
Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de la région Normandie et la Direction départementale des territoires et de la mer (DDT-M) de trois départements normands nous ont sollicité pour répondre à cette problématique complexe.
L’idée de départ : créer un outil d’aide à la décision qui agrège l’ensemble des données de la politique publique, afin de suivre, mesurer et évaluer précisément les avancées permises par les dispositifs déployés. Une manière de redonner rapidement du pouvoir d’agir aux décideurs et à l'ensemble des acteurs publics – élus, collectivités, préfets, administration centrale… – sur un sujet où il n’y a plus de temps à perdre. Mais quelle forme lui donner ? Quelles fonctionnalités proposer ? Quelles données agréger ? Comment le rendre pérenne et évolutif ?
Autant de questions qui ont fait l’objet d’une démarche d’écoute des besoins – entretiens, ateliers… – des futurs usagers, avant de concevoir puis tester l’outil sur la base de maquettes interactives.
Le résultat ? Un cahier de recommandations concrètes, établi par nos soins, pour la conception d’un site dont l’ergonomie est flexible en fonction du profil et des besoins de l’utilisateur. Des fonctionnalités de visualisation des données doivent permettre à l’utilisateur novice ou en quête d’une analyse « clé en main » d’obtenir facilement des données de cadrage grâce à une présentation directe et actualisée d’indicateurs clés et de leurs évolutions, tandis qu’un profil plus expert peut télécharger les jeux de données agrégés, à la manière d’un portail open data, pour réaliser ses propres croisements.
Le développement de l’outil est désormais entre les mains du ministère et devrait aboutir courant 2023. Restez à l'affût !
Merci de nous avoir lu jusque-là ! On vous donne rendez-vous dans un mois (ou presque). D’ici là, gardez toujours en tête le sens de tout ça.
Retrouvez-nous sur notre fil Twitter, notre compte Instagram et notre page LinkedIn pour suivre notre actualité et découvrir certains de nos projets.
Pour nous écrire, une seule adresse : contact@vraimentvraiment.com