Où nous allons
En 2022, de quoi le design des politiques publiques peut-il être le nom ? Alors que les forêts brûlent, que les profs manquent à l’appel et que les équipements publics – piscines, gymnases, salles des fêtes, écoles – vont s’avérer inchauffables cet hiver, l’écoute usager, les ateliers inspirationnels et les sprint design risquent de ne pas faire le compte.
Bien entendu, il y a besoin de méthode(s), pour aider les services publics à mieux répondre aux besoins des citoyen·ne·s et à prendre soin du vivant : dans le sillage de la 27e Région, plus de 10 ans de recherche-action des designers (et de leurs complices) ont généré des approches et des idées largement reprises depuis par des acteurs traditionnels – et c’est tant mieux.
Cela dit, au-delà des outils et des méthodes, le design peut (devrait ?) aussi aider l’action publique à fixer des caps, qui ne soient pas seulement de lointaines incantations mais des perspectives incarnées et discutables. Nous le faisons, autant que possible, au quotidien dans nos projets, et nous remercions les villes, départements, ministères, hôpitaux… qui acceptent de chercher et construire avec nous.
En ce mois de rentrée scolaire qui suit un été *légèrement* anxiogène, nous décidons d’aller plus loin en organisant notre réflexion, nos rencontres, nos événements, nos manières d’aborder les problèmes… autour de huit fronts. « Action publique attentionnée », « lieux publics intensifiés », « imaginaires publics désirables », « régies publiques renouvelées »... Autant de zones de controverse, de tension ou d’urgence qui ne trouvent pas de solution technique ou sociale évidente et qui méritent donc d’être explorées avec curiosité. Vous pouvez les découvrir sur notre nouveau site.
Il nous semble que l’époque appelle à l’engagement et nous avons tous·tes nos partis pris et nos marottes. Par conviction, par transparence et par appétit des nouvelles coalitions qu’elles peuvent engendrer, nous choisissons de les expliciter avec ces fronts. Cette infolettre sera l’occasion de vous en parler régulièrement et concrètement.
D’ici là, merci d’être présent et bonne lecture !
On a vraiment vraiment aimé
_ Notre échange avec Francis Rol-Tanguy sur le rôle et les défis de l’État actionnaire en ces temps de crises. Un champ de l’action publique ô combien stratégique mais pas toujours bien connu. Qui mieux qu’un haut fonctionnaire (à la retraite) dont le parcours – dans les secteurs du transport, de l’énergie ou de l’écologie – l’a conduit à régulièrement représenter ou côtoyer l’État actionnaire, pour en comprendre les ressorts ? Son appel à retrouver « une parole stratégique et technique » est à lire en intégralité sur Autrement Autrement.
_ L’action publique en séries. The Wire, Treme, Show Me a Hero, Generation Kill, The Deuce ou encore plus récemment We Own This City… On ne présente plus David Simon. L’ex-journaliste du Baltimore Sun est devenu, en à peine deux décennies, l’un des réalisateurs de séries les plus célébrés. Pour la qualité de sa réalisation, mais aussi et surtout pour ses qualités d’écriture. Son regard acéré, quasi-sociologique, sur le délitement des services publics américains et le jeu politique irrigue l’ensemble de son œuvre. On y découvre tour à tour un système éducatif à bout de souffle (The Wire, saison 4), une action publique quasi-absente dans la Nouvelle-Orléans post-Katrina (Treme), les violences policières et la corruption (We Own This City) ou encore le combat – tiré d’événements bien réels – d’un jeune maire d’une banlieue de New York qui, à la fin des années 80, se voit contraint par la justice de construire des logements sociaux dans une zone essentiellement peuplée par une classe moyenne blanche farouchement opposée au projet (Show Me a Hero).
Les villes et les drames sociaux, économiques et politiques qui les traversent sont à la racine de l’ensemble de ses projets. David Simon porte un regard toujours réaliste, sensible, détaillé et loin de tout manichéisme sur le quotidien d’une société et la vie de ses citoyens. Chacune de ses séries rappelle une évidence pourtant trop souvent mise à mal : garantir l’intérêt général est une quête perpétuelle, qui requiert une action publique attentionnée, des services publics démocratisés, des agents publics renforcés… sous peine de voir la société se déliter. Alors que nos services publics sont à bout de souffle, on ne peut que vous inciter – à commencer par les dirigeants publics qui nous lisent – à voir ou revoir l’une de ses séries. Remise des idées en place garantie ! Et vous, quelles séries en rapport avec l’action publique nous recommandez-vous ?
L’intégralité des séries de David Simon sont visionnables, en France, sur OCS.
_ Le nouveau portail des mobilités de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR). On y parcourt d’intéressantes cartographies interactives et une base de données qui rendent compte « de l’état actuel des mobilités et des projets engagés dans les communes et territoires du Grand Paris », avec comme objectif d’accompagner l’évolution des mobilités dans la Métropole du Grand Paris. Zones à faibles émissions, place de la voiture selon les communes, isochrones des temps de trajet en fonction du moyen de transport… La réalisation soignée et le foisonnement de données incitent à s’y perdre pour apprendre et découvrir. Parcourez-le par ici.
_ Notre entretien avec Léa Douhard, responsable du Policy Lab de l’École d’affaires publiques de Sciences Po Paris. Comment relever au mieux le défi de la formation des futur·es dirigeant·es du secteur public dans un monde de crises ? Quelles compétences leur transmettre ? Quelle place pour le design ? Éléments de réponse à découvrir sur Autrement Autrement.
_ « Les Filles du bus », un documentaire sensible qui suit le quotidien d’Angélique et Emilie à bord d’un bus itinérant France Services. Destination la Thiérache, à l’est de la Picardie, zone périurbaine et rurale où les services publics sont depuis trop longtemps éloignés du quotidien des habitants, contraints – lorsqu’ils le peuvent… – de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour effectuer la moindre démarche. À bord de leur camping-car aménagé, elles sillonnent le territoire de village en village pour aider les habitants dans leurs démarches administratives et, surtout, maintenir un lien social. Focus sur une expérimentation qui a, depuis, fait des émules.
_ L’agora mobile durable, modulaire et réutilisable de l’agence tchèque KOGAA. Baptisée Air Square, pour ses créateurs elle « active les espaces urbains sous-utilisés en leur donnant un but et une vie publique dynamique. Cela répond à la nécessité d'atténuer les problèmes liés au changement climatique en s'attaquant aux îlots de chaleur surexposés et au manque d'espaces publics verts et habitables ». Un projet à découvrir en photos sur leur site ou en vidéo par ici.
_ Les sigles et les acronymes… mais parfois ça va trop loin. On ne résiste pas à vous partager cette offre d’emploi du ministère de l’Intérieur. On paye un verre à celui ou celle qui parvient à la décrypter sans tricher. Bonne chance !
On l’a vraiment vraiment fait
Biodiversité administrative. Mais que se cache-t-il derrière ce nom surprenant ? Un programme exploratoire initié par la Banque des Territoires et Vraiment Vraiment à partir d’une conviction commune : la crise inédite qui affecte l’ensemble du monde vivant exige de s’intéresser aux liens entre l’action publique et la biodiversité. Sans prétendre donner de leçons ou émettre des solutions toutes faites, ce travail questionne les pratiques actuelles et les imaginaires récurrents de l’action publique – à tous les niveaux – en matière de biodiversité pour tenter d’améliorer les services publics existants et d’en imaginer d’autres pour demain.
Concrètement, le programme est articulé autour de deux phases, une enquête de terrain et des ateliers de co-conception. Six collectivités territoriales représentatives de la pluralité des contextes administratifs et des enjeux de biodiversité y prennent part. En « naturalistes de l’administration publique », nous sommes allés interroger des agents, des élus et des associations de ces territoires pour comprendre leurs problématiques de terrain et identifier des besoins concrets. Cela donne, entre autres, un panorama des nouveaux services publics (biodiversithèques), des nouveaux métiers (courtiers en biodiversité) et des nouveaux espaces de gouvernance et de décision (les micro-parlements du vivant).
Pour suivre toute l’actualité du projet, abonnez-vous à la newsletter dédiée, parcourez le site de présentation de la démarche et surtout inscrivez-vous à la restitution publique qui se tiendra le 1er décembre de 16h30 à 18h au Hub des Territoires (72 avenue Pierre Mendès France, Paris 13e) ou en ligne.
Merci de nous avoir lu jusque-là ! On vous donne rendez-vous dans un mois (ou presque). D’ici là, gardez toujours en tête le sens de tout ça.
Vous souhaitez nous écrire ? Une seule adresse : contact@vraimentvraiment.com