Quelle police
**Les deux premiers paragraphes évoquent des violences, notamment sexuelles.**
À Nantes, le 14 mars, quatre jeunes filles qui revenaient de la manifestation contre la réforme des retraites ont été encerclées par la police – une pratique dénoncée par le Conseil d'État – puis palpées à l'intérieur de leurs sous-vêtements par des policiers. Des agressions sexuelles présumées accompagnées de propos humiliants, rapportés par France 3 Pays de la Loire.
À Paris, le 20 mars, une équipe des Brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M) a été enregistrée à son insu par un jeune homme interpellé en marge des manifestations. Les propos tenus, rapportés notamment par Le Monde, sont particulièrement évocateurs : « je peux te dire qu’on en a cassé, des coudes et des gueules (…), mais toi, je t’aurais bien pété tes jambes. », « tu sais, moi je peux venir dormir avec toi si tu veux (...) et c’est le premier qui bande qui encule l’autre. » Des bruits de claques sont également enregistrés.
Le premier épisode est dénoncé par 46 personnalités, qui appellent à « faire toute la lumière » sur cet épisode. Le second a fait l'objet (sur France 5) d'une question au préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui s'est dit « extrêmement choqué » et a rappelé l'exigence de déontologie qui s'applique aux fonctionnaires de police, quels qu'ils soient.
Il appartient à l’IGPN, au ministère de l’Intérieur et, éventuellement, à la justice, de donner les suites qui s'imposent à ces affaires – deux moments de violences policières mieux documentés que d'autres.
Il est aussi de notre responsabilité à toutes et tous, en tant que citoyen·ne·s, d'être exigeant·e·s avec l'institution. De lui rappeler qu'elle est légitime tant qu'elle protège nos droits, qu'elle doit des comptes à la nation et à ses représentant·e·s (à commencer par les parlementaires) et qu'elle perd en efficacité à chaque fois que l'exemplarité républicaine est mise à mal. Il ne saurait y avoir, en la matière, de symétrie ou de loi du talion : le métier des policiers est sans conteste difficile et leurs conditions d'exercice mériteraient sans doute d'être améliorées – formation, équipement, rythme de travail, salaire… – au même titre que celles de millions de fonctionnaires qui jouent un rôle social crucial sans forcément en avoir les moyens. Mais cela ne peut en aucun cas justifier les coups, les humiliations ou les entorses au code de conduite.
La police et la doctrine du « maintien de l'ordre » (ou de la conservation de la paix) devraient faire l'objet d'une conversation nationale associant les parlementaires, les élu·e·s locaux, des représentant·e·s de la société civile en général et des défenseur·se·s des droits humains en particulier, des journalistes, des victimes et proches de victimes, des citoyen·ne·s et, bien entendu, des policier·e·s. Il s’agirait de travailler en général et dans les détails les plus concrets sur les conditions d'une « qualité » de service minimale et sur l'amélioration des conditions de travail des agent·e·s, comme les programmes « Services Publics + » et « Fonction publique + » veulent s’y atteler ailleurs. Aujourd’hui, le non-respect minimal des règles en vigueur – affichage visible du RIO, respect du schéma national du maintien de l’ordre, usage des sommations, etc. – va à l’encontre de cette qualité de service décente, sans raison légitime.
Quelles sont les conditions des « soutenabilités » de l'action policière en manifestation ? De quelles polices avons-nous besoin pour relever les défis du moment et de l'avenir, dans un contexte où les crises démocratiques, sociales et écologiques deviennent permanentes ? Quelles instances de contrôle et quel système de sanction mettre en place, alors que l’absence de contrôle démocratique de la police fait aujourd’hui de la France une « anomalie », d’après le politiste Sébastian Roché ?
À esquiver ces questions, on renforce la distance entre la police et celles et ceux qu'elle est censée protéger – soit, dans une démocratie, l’ensemble de la société. À créer institutionnellement les conditions de l’inefficacité durable de la police dans un cadre démocratique, on suit la même pente que pour l’école ou l’hôpital – qui subissent en plus l’attrition financière –, conduisant au transfert vers le privé de pans entiers des services publics. C’est déjà très délétère ailleurs, c’est sans doute particulièrement dangereux en matière régalienne.
On a vraiment vraiment aimé
_ La nouvelle version de CRATer, l'outil de diagnostic au service de la transition agro-alimentaire des territoires développé par l’association lyonnaise Les Greniers d’Abondance. Communes, intercommunalités, départements, régions… En quelques clics, tous les territoires (ou presque) peuvent évaluer et comparer la résilience et la durabilité de leur système agricole et alimentaire. Un super outil de sensibilisation et d’aide au diagnostic pour faire évoluer concrètement les pratiques.
_ La campagne de communication efficace et bien pensée du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas à l'occasion de la Conférence des Nations unies sur l'eau le mois dernier. Ça s’appelle The Drop Store et ça permet d’appréhender très concrètement la crise de l’eau et ses conséquences potentielles sur notre quotidien dans les décennies à venir. On vous laisse la découvrir par vous-même sur le (beau) site dédié. Une inspiration pour le SGPE et Christophe Béchu 👀 ?
_ Le bilan du programme Capacités publiques porté par La 27e Région, pour « préfigurer, par la pratique, l’administration publique résiliente de demain. » L’idée ? Mener des expériences concrètes au sein d’administrations volontaires sur le portage d’initiatives spontanées, la micro-mobilité professionnelle et le management de la subsidiarité. Le résultat : des enseignements utiles à toute administration pour faire advenir des transformations organisationnelles et managériales en vue d’être plus résilient.
_ Le billet de blog du chercheur Emmanuel Bodinier sur les retraites à l’âge climatique. « Qu’est-ce qui se passera pour notre système de retraite alors que le monde change d’ère au sens premier du terme ? », se demande-t-il. Stimulante réflexion.
_ L’essai Design sous artifice : la création au risque du machine learning d’Anthony Masure, professeur associé et responsable de la recherche à la Haute école d’art et de design de Genève. Alors que les usages de l’IA se démocratisent à vitesse grand V par l’intermédiaire d’outils prêts à l’emploi – ChatGPT, Midjourney, DALL·E… –, une telle recherche tombe à point nommé et apporte des éléments de réponse à une question clé : « quel est le spectre des implications actuelles et potentielles du machine learning pour les pratiques de design ? »
_ Le manuel de Good Energy pour (mieux) représenter le changement climatique dans les séries et les films d’aujourd’hui. Un ensemble de ressources utiles, accessibles gratuitement – tout est open source –, pour façonner des récits plus réalistes, crédibles et convaincants. Essentiel à l’heure où les médias audiovisuels globalisés façonnent nos existences.
On l’a vraiment vraiment fait
Aider les patient·e·s atteints de sclérose en plaques à mieux vivre leur quotidien de patient. Concrètement. L’Union pour la lutte contre la sclérose en plaques (UNISEP) et la Fondation pour l'aide à la recherche sur la sclérose en plaques (ARSEP) ont sollicité Vraiment Vraiment en 2021 avec une demande claire et ambitieuse : les aider à faire évoluer la médiation patient·e·s-soignant·e·s et plus précisément patient·e·s-neurologues.
Comme pour de nombreuses maladies chroniques qui demandent un suivi régulier et parfois lourd, l’accompagnement des patient·e·s atteints de sclérose en plaques par le corps médical se révèle souvent insuffisant. Par manque de temps, par manque de communication, mais aussi et surtout car la sclérose en plaques se révèle être une maladie imprévisible, dont les symptômes se développent parfois sans que l’on sache réellement pourquoi, quand et comment.
Prise en compte restreinte du contexte de vie de la personne, connaissance parcellaire du quotidien des patient·e·s, symptômes invisibilisés, rendez-vous espacés dans le temps qui ne permettent pas un suivi personnalisé… Le patient est systématiquement résumé à sa maladie. Autant de griefs qui méritent une action concertée et concrète pour faire évoluer les choses et sortir la consultation de son prisme médical et technique.
Mais alors comment, en tant que patient·e, résumer à son neurologue – en 15 minutes… – une année de vie avec la maladie ? Dans la précipitation de la consultation, il y a les oublis du patient et les choses jugées anodines par le soignant. Or, ce sont précisément la répétition des choses du quotidien, à l’apparence insignifiantes, qui façonnent la vie des patient·e·s.
Nous avons rencontré puis réuni patient·e·s, proches, neurologues et associations autour de la table pour bâtir une réponse commune satisfaisante à ce problème. Le résultat ? « Ma SEP et moi, comment ça va ? », un document de préparation de la consultation avec le neurologue, frugal et simple à prendre en main, 100 % co-conçu avec une communauté de patients partenaires. Concrètement, le document prend la forme d’un questionnaire à remplir soi-même au format papier ou en ligne – disponible très prochainement sur le site dédié à l’initiative.
« J’ai ça, ça et ça, qu’est-ce qu’on fait ? »
Traitements, symptômes, état émotionnel… Le questionnaire permet au patient de dresser un bilan complet des derniers mois afin de ne rien oublier durant la consultation, pour aller à l’essentiel et permettre au soignant d’identifier avec plus de rigueur des solutions de soin ou d’accompagnement. Une manière de créer une relation de complémentarité et des passerelles entre le savoir expérientiel – le vécu du malade – et le savoir scientifique du soignant. Au service, avant tout, de l’amélioration des conditions de vie des patient·e·s.
Merci de nous avoir lu jusque-là ! On vous donne rendez-vous dans un mois (ou presque). D’ici là, gardez toujours en tête le sens de tout ça.
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